Quelques orchidées du Val d’Orge
Si le terme d’orchidée évoque souvent pour le grand public des espèces tropicales spectaculaires diffusées par l’horticulture moderne, cette famille est néanmoins bien installée dans la flore française avec environ 160 espèces (sur plus de 20000 dans le monde, réparties en 900 genres). Les représentantes de nos régions sont généralement des orchidées terrestres, à la différence des variétés épiphytes ou lianes tropicales vendues chez nos fleuristes.
On distingue trois grandes catégories parmi nos espèces locales, à l’aide de leurs parties souterraines :
- les orchidées à tubercules,
- les orchidées à rhizome et
- les orchidées à pseudobulbes.
Les genres orchis et ophrys appartiennent à la première catégorie et ont d’une certaine manière donné leur nom aux orchidées. Leurs parties souterraines sont en effet constituées d’une paire de tubercules ovoïdes. Il n’en fallait pas plus pour que les naturalistes les désignent d’après le terme grec signifiant « testicules », à savoir orchis, d’où dérive le nom de famille orchidée.
Les orchidées ont une biologie extrêmement particulière et longtemps restée mystérieuse, spécialement en ce qui concerne leur mode de germination. C’est seulement avec les travaux du Français Noël Bernard à la toute fin du 19e siècle que leurs étonnantes conditions de germination commencent à être mises au jour. Leurs graines sont en effet minuscules et ne disposent pas des réserves permettant aux autres plantes de croître jusqu’à être capables de se nourrir par elles-mêmes. Elles sont de ce fait entièrement dépendantes de la rencontre d’un organisme allié qui va leur fournir leur subsistance. Cet allié providentiel, longtemps passé inaperçu, est un champignon. Ou plutôt des champignons car les orchidées peuvent en fait bénéficier des largesses de différents mycéliums, avec des préférences diverses selon les espèces. Cette alimentation (« trophie ») par apport externe (« hétéro ») issu de champignons (« myco ») est appelée mycohétérotrophie. Cette association étant indispensable à toutes les orchidées pour leur germination, on parle de mycohétérotrophie obligatoire à ce stade de développement. Une fois germées et dotées de feuilles, la plupart des orchidées deviennent autotrophes, à l’instar de la majorité des plantes vertes, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent (« trophe ») par elles-mêmes (« auto ») grâce à la photosynthèse. Toutefois, par manque de chlorophylle, certaines comme la limodore à feuille avortée ont encore besoin d’un complément en matière carbonée fourni par un champignon; on parle alors de mixotrophie. D’autres encore, comme la néottie nid d’oiseau, sont totalement dépourvues de chlorophylle et restent dépendantes des apports externes transitant par le mycélium; elles demeurent donc mycohétérotrophes pendant tout leur cycle de vie.
Cette page vous propose un rapide aperçu de quelques orchidées rencontrées dans le Val d’Orge.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter « les orchidées de France, Belgique et Luxembourg » de 2005 (disponible à la bibliothèque de l’AINVO); c’est de cet ouvrage que sont tirées les informations relatives à la rareté en Essonne des espèces présentées.
Orchis pourpre
Cette orchidée est à la fois l’une des plus communes et l’une des plus voyantes dans le Val d’Orge. On rencontre Orchis purpurea aussi bien dans les prairies qu’en sous-bois.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Platanthère à fleurs vertes
Platanthera chlorantha, à fleurs blanches et vertes malgré son nom, est également très fréquente mais un peu moins voyante.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Céphalanthère à feuilles étroites
Cephalanthera longifolia est nettement moins bien représentée dans le Val d’Orge que les deux espèces précédentes. Elle est référencée comme rare dans toute l’Ile-de-France.
Orchidée à rhizome.
Orchis bouc
L’orchis bouc, Himantoglossum hircinum, est ainsi désigné en référence à son odeur, jugée désagréable par certains, et qui évoquerait celle du bouc. Il est reconnaissable à son labelle enroulé et très allongé. Cette orchidée est assez voyante et elle est commune dans le Val d’Orge.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Ophrys abeille
Ophrys apifera est l’orchidée du genre Ophrys la plus courante dans le Val d’Orge. Malgré ses fleurs colorées et spectaculaires, elle n’est pas si facile à repérer qu’on pourrait le croire. Les boules jaunes qui pendent au-dessus du labelle sont les pollinies de l’orchidée, elles contiennent le pollen de la fleur. Ophrys apifera attire des abeilles solitaires auxquelles les pollinies se collent lorsque les insectes se posent sur le labelle. L’abeille contribue ainsi à la fécondation de la fleur en allant, chargée de pollen, visiter d’autres ophrys.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Ophrys araignée
Ophrys sphegodes, moins courante même si elle est nombreuse dans certaines stations, est encore moins aisée à repérer en plein champ malgré ses fleurs spectaculaires en gros plan !
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Ophrys mouche
Ophrys insectifera est encore plus discrète, mieux vaut la chercher pour avoir une chance de la voir. Comme les deux précédents membres du genre Ophrys, sa fleur constitue un leurre pour attirer les mâles d’insectes sans avoir à produire de nectar. Ceux-ci, se laissant abuser à plusieurs reprises, disséminent involontairement le pollen de la fleur et participent ainsi à sa reproduction.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Homme pendu
Orchis anthropophora, ainsi appelée pour la forme évocatrice de son labelle, ne semble pas spectaculaire vue de loin mais ses petits bonshommes pendus méritent quand même d’être observés attentivement. Elle est référencée comme rare en Essonne.
Orhidée à tubercules.
Limodore à feuilles avortées
Limodorum abortivum est une orchidée presque dépourvue de chlorophylle ce qui explique son apect bleuté-violacé. Comme l’indique son nom, ses feuilles sont peu visibles laissant ses belles fleurs bien en évidence. Référencée comme localisée ou assez rare en Essonne, on la rencontre dans des milieux plutôt ombragés. Du fait de son manque de chlorophylle, la limodore à feuille avortée n’est pas autotrophe comme les plantes pratiquant la photosynthèse mais plutôt mycohétérotrophe au sens où elle tire sa subsistance de son champignon symbiotique.
Orchidée à rhizome.
Listère à feuilles ovales
Bien que peu spectaculaire et pas toujours reconnue pour une orchidée, Neottia ovata appartient pourtant bien à cette famille comme un rapide examen de ses fleurs vertes suffit à s’en convaincre. Ce sont ses feuilles opposées formant un large ovale qui permettent de repérer cette espèce plutôt discrète quoique commune.
Orchidée à rhizome.
Orchis pyramidal
Espèce des pelouses calcaires bien exposées, Anacamptis pyramidalis est une belle orchidéee présente dans le Val d’Orge mais référencée comme rare en Essonne.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
Orchis bouffon = Morion
Espèce d’apparence assez variable, Anacamptis morio peut pousser en grand nombre dans certaines stations ensoleillées qui lui conviennent comme les prairies photographiées ci-dessous. Référencée comme localisée ou assez rare en Essonne.
Orchidée à tubercules.
Orchis singe
Peu fréquente dans le Val d’Orge, Orchis simia est ainsi nommée en raison de la forme de sa fleur aux longs membres sinueux.
Orchidée à tubercules.
Epipactis rouge sombre
Epipactis atrorubens est une orchidée qui apprécie les zones très ensoleillées. Elle se contente de sols pauvres, et, à la différence de la plupart des orchidées de cette page, peut se développer sur sols siliceux. Ainsi, le pied photographié ci-dessous poussait au milieu d’un banc de sable désertique d’une forêt du Val d’Orge.
Orchidée à rhizome.
Epipactis à larges feuilles
L’épipactis à larges feuilles ou Epipactis helleborine est une orchidée plutôt grande pouvant 1 mètre de hauteur. Elle pousse spontanément en forêt mais peut se rencontrer également dans les parcs et jardins des villes. Certaines parmi celles-ci ont ainsi été photographiées au bord de l’Orge devant la mairie de Saint-Germain-les-Arpajon.
Orchidée à rhizome
Néottie nid d’oiseau
Malgré ses faux airs d’orobanche, Neottia nidus-avis est bien une orchidée. A l’instar de la limodore à feuille avortée, elle est totalement dépourvue de chlorophylle ce qui explique sa couleur particulière. On la rencontre dans les zones plutôt ombragées.
Orchidée à rhizome.
Sérapias en langue
La présence de Serapias lingua est tout à fait exceptionnelle dans le Val d’Orge, situé bien au nord de son aire de répartition habituelle. Dans l’ouvrage « les orchidées de France, Belgique et Luxembourg » de 2005 (disponible à la bibliothèque de l’AINVO), elle est référencée comme rare dans le Loir-et-Cher qui constitue la limite la plus septentrionale de son aire de répartition et absente du Loiret et de l’Essonne.
Orchidée à tubercules ovoïdes.
2016 début de l’histoire: Huit pieds ont été observés dans le Val d’Orge sur une même station par les membres de l’AINVO le 28 mai 2016 (merci à Robert pour son regard acéré !). Nul d’entre nous n’avait jamais rencontré cette espèce méridionale en Ile-de-France… A surveiller dans les années à venir.
2017 suite de l’histoire: le 13 mai 2017, nous profitons d’un comptage d’oiseaux STOC-EPS pour retourner avec la même équipe à la recherche des serapias. Malgré un quadrillage serré de la zone, nous ne trouvons ni fleurs ni feuilles. Un peu dépités nous nous demandons si la plante exceptionnelle aura survécu. Le 21 mai 2017, lors d’un comptage sur un autre site, Christian nous annonce qu’il est repassé dans le champ des serapias et que celles-ci étaient alors fleuries. Ces serapias du Val d’Orge ont donc fleuri entre le 14 et le 20 mai 2017.
2018 nouvel épisode: le 18 mai, 24 pieds de sérapias en pleine floraison ont été dénombrés; ces orchidées restent concentrées sur moins d’un mètre carré au même emplacement que les années précédentes.
2019 : premier passage sur le site le 22 juin; les sérapias sont toujours au même endroit mais leurs fleurs sont fanées à cette date; nous dénombrons 35 pieds porteurs de fleurs.
2021 : les sérapias ont été vues en fleur le 20 mai; elles commencent à paraître défraîchies le 5 juin, date à laquelle nous ne comptons que 7 pieds toujours situés au même emplacement.
2023 : 22 pieds en fleurs les 19 mai et 4 juin
2024: 27 pieds fleuris le 1er juin sur la zone originale et, bonne nouvelle, 1 pied supplémentaire a poussé à une trentaine de mètres de là.