Les accouplements de tétragnathes étirées, de même que ceux des autres espèces d’araignées, n’ont pas lieu par transfert direct du sperme depuis l’organe du mâle qui le produit jusqu’à l’organe reproducteur de la femelle mais selon un mode d’insémination indirect plutôt étonnant.
S’accoupler avec un prédateur féroce prêt à dévorer tout arthropode s’aventurant sur sa toile est une entreprise méritant réflexion et stratégie. C’est le défi que doivent relever les mâles des araignées tisseuses (dites orbitèles) s’ils veulent pouvoir transmettre leur patrimoine génétique à une hypothétique descendance.
Chez certaines espèces, les prétendants font vibrer la toile de la femelle d’une manière particulière pour être reconnus et surveillent les réactions de celle-ci à leurs lointaines sollicitations avant de s’aventurer vers elles. Chez d’autres, les mâles apportent des proies en présents et profitent du repas qu’en font leurs partenaires pour les inséminer. Chez les tétragnathes, les reproducteurs s’arrangent pour bloquer les chélicères, crochets à venin, de leur conjointe avec leurs propres chélicères. Ils peuvent alors s’accoupler sans risquer une morsure funeste.
Les tétragnathes présentées dans cette page, tétragnathes étirées (tetragnatha extensa), sont de fines araignées aux longues pattes dont le corps mesure de 6.5 à 11mm chez les femelles, les mâles étant plus petits avec un abdomen plus étroit. On les rencontre en nombre dans les végétations hautes des bords de cours d’eau. Inquiétées, elles se dissimulent fréquemment en adoptant la posture de l’image ci-contre, où l’individu se plaque sous une feuille en extension complète avec toutes ses pattes parallèles. Presque rien ne dépasse alors… hormis une patte par laquelle il s’agrippe à son “fil de survie” , fil d’une soie spéciale la prémunissant d’une mauvaise chute.
Le système reproducteur des araignées est curieux. La production de sperme dans l’abdomen n’est pas reliée aux organes copulateurs situés en avant de la tête au bout des pédipalpes (pattes-mâchoires). Ces organes, les bulbes copulateurs, prennent une forme de gants de boxe permettant de distinguer aisément les mâles adultes des femelles. Les formes compliquées de ces bulbes ne permettent l’emboîtement qu’avec les épigynes (partie externe des génitalia, c’est-à-dire l’appareil reproducteur féminin) des individus de la même espèce : une sorte de système clef-serrure garante de la compatibilité des partenaires. Les formes des genitalia féminins et des bulbes copulateurs masculins sont si spécifiques qu’elles servent justement de clé de détermination des espèces d’araignées.
Avant d’envisager l’accouplement, le mâle doit transférer son sperme vers ses bulbes copulateurs. Toutes les espèces commencent par tisser à cette fin une toile particulière dite “toile spermatique”. Il y déposent des gouttes du sperme s’écoulant de leur abdomen puis l’aspirent dans leurs bulbes par capillarité. Ils sont alors prêts à s’aventurer à la conquête d’une femelle…
L’issue de l’accouplement chez les araignées est parfois tragique et il arrive que les mâles succombent, dévorés par la femelle. Cette option peut être avantageuse du point de vue de l’espèce, l’apport alimentaire pour la femelle offrant un supplément de chances de survie à sa progéniture. Ce cas semble cependant moins courant qu’on ne le croit parfois et beaucoup de mâles cherchent à multiplier les partenaires jusqu’à la fin de la période de reproduction qui voit leur mort.